mardi 7 août 2018

"Images trouvées"


Un found footage est une source visuelle, souvent sous forme de bobine de film(métrage) retrouvée, exhumée qui peut aussi bien être du 8mm de particulier qu'une partie de film en 35mm coupée au montage et qui refait surface un beau jour.Il peut aussi bien s'agir d'un film institutionnel sur la formation du foetus(ceux qui nous faisaient piquer du nez en sciences nat') que les vacances avec mémé au Cap d'Agde.





C'est de ce dernier type dont je parlerai principalement, le bon vieux film de famille que l'on projetait lors des grandes occasions quand la famille était réunie.On ferme les volets, le noir se fait et la magie opère...C'était un moment de partage pleine de sens dont tout le monde se délectait.
L'installation du matériel et la projection faisaient de l'événement un des derniers rites modernes familiaux avec le film du dimanche soir bien-entendu.
Pour ce qui est de sa conception, le film amateur va généralement au fait principalement en raison du coût exorbitant du métrage et de son traitement à l'époque rappelons-le...On sortait la caméra pour les grandes occasion et l'essentiel devait être traité sans trop de fioritures.
Les classes moyennes s'essayaient donc au Super8 (le plus abordable,) tandis que les rupins jouissaient du son en option.Pour les plus fortunés et avertis, on pouvait shooter aussi bien en 8mm sonore qu'en 16mm avec une qualité quasi cinématographique.

           

            



De ce fait, pour une famille de classe moyenne, on ne gâchait jamais la péloche car ça coûtait un bras à papa. Quand il s'agissait de filmer l'église du patelin par exemple, on balayait le monument du clocher à la neffe sans trop s'attarder sur les gargouilles.Idem pour les scènes cocasses dans lesquelles tonton faisait le pitre: Pas de deuxième prise pour la blagounette!

         

 En somme, et j'ai noté cela en visionnant bon nombre de films amateurs, en dépit de la qualité du matériel employé,le style adopté et la qualité du film dépendra souvent du pouvoir d'achat.
Oui, la lutte des classes est partout et ça ne date pas d'hier. L'égalité se fera au niveau des thèmes abordés, que l'auteur soit csp+ ou prolo, il s'agira toujours ou presque de films de vacances. L'exotisme peu-être fera la différence: Palavas pour certains,Les cyclades pour d'autres... Autre point, je notais un dénominateur commun à ces bobines extraites des cartons poussiéreux de brocantes ou autres vides-greniers. Quelle personne au coeur de pierre serait prêt à donner, jeter ou pire vendre de tels merveilles.Qui oserait se débarrasser des souvenirs de familles si intimes?


                     
 
                     

                     


Même numérisés, il ne me viendrait jamais à l'esprit de me débarrasser d'originaux jamais dupliqués. Après avoir longuement mûri cette question de l'origine, il me semblait évident qu'elle mettait en lumière un autre dénominateur commun entre tous ces métrages perdus et trouvés:Le drame.

                     

 En effet, ce ne peut être qu'à la suite d'un drame familial que ces archives personnelles se retrouvent sur le marché(au sens propre et figuré). Les bandes arrivent sur les étales des vide-greniers lorsque les familles détentrices décident d'elles même qu'il est temps de se débarrasser de ces tranches de vie pour des raisons qui elles, resteront tues.Un décès, un clash, un divorce, autant de mystères qui seront forcément matière à fantasmes pour le dénicheur de films.


Le found footage est un formidable générateur d'émotions et c'est en cela qu'il m'intéresse.
Il va de soi qu'un aspect "voyeur" reste à assumer; Cette démarche peut choquer.
Chez moi, cela suscite une curiosité grisante à l'idée de découvrir des images dont j'ignore tout.
En qualité de vidéaste, l'intérêt est double car j'intègre ces images uniques dans mes projets.




Ceci nous amène à la question du contenu.Pour les formats S8 ou 8mm  comme évoqué plus haut, on aura beaucoup de gens en maillots tartinés d'huile solaire ou de l'ouverture de cadeaux de noël avec bataille de boules de neiges pour les plus chanceux.De l'anniversaire, du mariage, jamais de funérailles.On filme du convivial, on enregistre pas la tristesse.Monsieur "tout le monde" ne sortait le matos qu'à de grandes occasions immortalisant généralement sur des 15 mètres (3minutes env.) rarement mises bout à bout.

C'est donc souvent, très très souvent du souvenirs de  famille que vous allez vous coltiner.
De longues minutes de dérushages(les films en question n'ont jamais été montés).Il arrive parfois que des noms figurent sur les boites de bobines.il m'est déjà arrivé de retrouver la trace d'un des protagonistes.je me souviens avoir contacté une personne en lui proposant de lui remettre une copie numérique de ses souvenirs perdus.La fin de non-recevoir de l'intéressé me laissait entendre que ces souvenirs n'avaient pas été perdus volontairement mis au rebus.Car avant d'être "trouvé", le found footage est "abandonné" et c'est bien ce qui fait sa caractéristique.


 





Ceci étant, il arrive parfois que l'on trouve la pépite.Un petit film certes non scénarisé mais fait de plans bien cadrés et soignés, les contre-jours évités.
Notons que dans les années 70-80 un certain engouement se faisait sentir autour du cinéma/film amateur.Certains passionnés n'hésitaient pas à essayer plusieurs caméras et différents types de film que le Kodachrome qui submergeait littéralement le marché. Il m'est arrivé de mettre la main sur des films éblouissants.


 

 

Du film coquin au film monté de globetrotter à la dimension géo-sociologique, je ne regrette pas l'investissement mis à cette entreprise car cela en vaut la chandelle et ces témoignages anciens demeurent inestimables car patrimoniaux.
Nous parlions ici de found footage dans son format film, la pellicule étant le premier format d'enregistrement de l'image animée (mettant de côté Muybridge et les pionniers de l'animation).Qu'en est-il de la vidéo?Autre support, autre révolution. Le found footage vidéo représente une grande majorité de films promotionnels et institutionnels.Non, vous ne tomberez jamais sur un snuff movie en vhs.Ni d'ailleurs sur de véritables films amateurs basiques de type balnéaire comme en 8mm.Pourquoi?Tout simplement parce que ce format est effaçable et si on voulait se débarrasser de ces souvenirs pour x raison, il suffisait d'enregistrer par dessus.Au grand dam du voleur d'images, les vidéogrammes se font plus rares.Les auteurs garderont plus aisément des archives sur cassettes également plus faciles à visonner grâce à la vidéo domestique des années quatre-vingt.C'est d'ailleurs ce qui séduisit les consommateurs.Avec les avantages de la vidéo analogique tout devenait possible pour peu d'investir une somme colossale dans un caméscope.
Avec le VHS, VHS-C  et Betamax, le montage, la production vidéo et la copie devenaient accessibles et la durée d'enregistrement exponentielle.
Il m'est néanmoins arrivé de tomber sur des cassettes oubliées dans de vieux caméscopes au contenu surprenant.Comme les premiers tests d'une personne agée livrant un combat acharné contre la la machine!Un choc générationnel sur fond de prise en mains douloureuse résultant d'une défaite humaine:A peu près 30 minutes de sols en mode "inversé" mettant en scène les bouts de pieds de papy qui rouspète et conchie cette maudite caméra trop chère et compliquée.
Peu de chose à dire concernant le format Hi8, dernier format vidéo analogique.La DV marquera la transition du support magnétique au support numérique.Les cassettes mini-DV laisseront en moins d'une décénie la place aux cartes de stockage de type SD et le found footage tirera sa révérence lorsque la cassette deviendra data.

Pour finir, voici un poème de Thierry Teyton extrait de son recueil "Immanences grises" qui illustre assez bien le propos.



Found footage, origine France. 1978-1982(?)

"Guy Belle" from Running Time on Vimeo.

Pensées dispensées

 "Quand ça ressemble à de la merde, souvent c'en est." "Si mon cul c'est du poulet, est-ce que mes couilles c'est...